Aujourd’hui dans vie d’élue Céline nous parle d’un échange avec un auto-stoppeur qui vit les territoires autrement, comme d’autres citoyens.
Tous les lundis dans notre rubrique vie d’élue, nous faisons la lumière sur une expérience vécue par une élue. Aujourd’hui, c’est Céline qui parle d’un échange avec un auto-stoppeur qui vit les territoires autrement, comme beaucoup de citoyens le font désormais.
Une expérience des communes différente
Ce samedi, alors que je rentrais de Biarritz, direction Bordeaux, je vois un autostoppeur. Nous partons dans la même direction, alors, je m’arrête et l’embarque. Nous commençons donc un voyage de 2h pendant lequel nous partageons : dès le premier kilomètre passé, nous abordons le récit de nos vies respectives.
Il a quelques années de plus que moi et doit s’approcher de la trentaine, il est créatif et travaille dans l’audio-visuel mais surtout, il bouge tout le temps. Il n’est pas attaché à une commune ou un territoire, il fait partie de ceux – de plus en plus nombreux – qui veulent vivre dans plusieurs lieux. Son quotidien : créer une fête de village en Gironde, travailler avec un groupe local en Charente-Maritime, vivre en hiver au Pays Basque. Son dernier projet : passer le permis poids lourd et vadrouiller partout en France, Saint-Estève, Nantes, Lyon, Biarritz…
Lui comme tant d’autre ne vivent plus dans une commune mais dans une région, un pays. Leur relation à la mobilité ne passe plus forcément par les transports en commun mais par un autre système : le partage, l’échange, les rencontres. Vivre avec peu et sans contraintes : une façon d’aborder le pays. Nous parlons de la “diagonale du vide” : et ce sont des territoires qu’il apprécie et où il aimerait retourner, une partie du pays pourtant tant boudée. Ce que je comprends très vite c’est qu’il a une vision sur ce qu’il l’entoure et un avis politique.
Ces citoyens qui pensent au renouveau local
En discutant un peu plus, j’ai pu constater que son avis était très clair : le renouveau arrivera mais sans la politique, ou du moins, pas avec ceux qui la font. Il fait partie de ceux qui n’ont plus confiance en le pouvoir tel qu’il est, comme il est incarné ou créé. Même les élu.e.s locaux n’ont, pour lui, pratiquement plus de légitimité.
Il a pu constater avec différents cataclysmes climatiques que le service public se faisait avec ceux qui sont sur le territoire et non plus les élu.e.s nationaux. C’est un discours qui est de plus en plus redondant et qui résonne chez beaucoup de citoyens. La relation à la France ne se fait plus par appartenance mais par expérience. La guerre des clocher n’existe guère que chez les élu.e.s. Là où nos ancêtres expérimentaient dans une commune, ce sont maintenant des français qui expérimentent les communes dans un temps donné. Plus de sentiment d’appartenance à un village – ou une ville – mais l’envie d’aller au-delà.
La réponse des élu.e.s à cette conception du territoire
Avons-nous, en tant qu’élu.e.s et réfléchi à cette vision ? Plus j’échange et je rencontre des personnes, plus cette vision revient. Il n’est pas le premier à me parler, à la fois d’une désillusion des pouvoirs – même locaux – et à la fois expérimenter les territoires sans s’y attacher. Cette partie de la population, cette génération, tend à être de plus en plus présente. Comment leur parle-t-on ? Ils sont sur notre territoire sans l’être. Mais les ignorer ne les impliquera pas plus dans la vie de la citée. Pour ma part, je n’ai pas de réponse.
S’ils ne veulent pas forcément faire partie d’un village à temps plein, ils sont pourtant riches d’expériences : leur vision et leurs voyages leur donnent beaucoup d’éléments. Sans être attachés à une commune en particulier c’est leur vie dans plusieurs qui leur permet d’apprécier à la fois l’aménagement, la vie locale, la vie culturelle ou l’inclusion des populations dans les projets menés. Ceux qui sont souvent traités en marge auraient pourtant de riches informations à apporter aux élus.
J’avais déjà échangé avec certaines personnes qui ne veulent pas s’établir dans une ville en particulier mais passer deux heures à parler concrètement avec mon partenaire de voiture m’a permis de mieux comprendre. Je suis de ceux qui sont dans leur commune depuis des années, mes ancêtres s’y étant intégré des décennies auparavant. Ce n’est pas parce que nos vies sont différentes que nos expériences ne peuvent pas servir la commune. Il est temps que nous décloisonnons les échanges pour s’inspirer des vécus de chacun pour organiser la résilience locale.
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