Pour affiner ses projets et réaliser des économies, il est possible de mener des projets de co-construction de l’espace public…
La démocratie participative vient redistribuer les cartes de la vie politique locale et instaure de nouvelles pratiques permettant d’améliorer l’action publique. A Saint-Jean d’Illac (33), le projet de rénovation du skatepark municipal a offert l’opportunité d’expérimenter une nouvelle pratique : la co-construction de l’espace public.
Rénovation et co-construction de l’espace public
Derrière ce terme pompeux se cachent deux notions clés : la concertation et le DIY (Do It Yourself). Nathalie Créant, adjointe en charge de l’éducation et de la jeunesse à la mairie de Saint-Jean d’Illac, nous explique ainsi que, réclamée par les jeunes skateurs de la commune depuis plusieurs années, la rénovation du skatepark s’est faite en concertation avec le collectif de skateurs locaux. Grosse particularité : ce sont ces mêmes jeunes qui ont effectués les travaux.
Le projet initial prévoyait de regoudronner le sol très abîmé d’un skatepark qui nécessitait alors une rénovation et une mise au norme de sécurité urgentes. « J’avais fait faire un devis mais les agents de la mairie m’ont dit que du goudron avait déjà été utilisé il y a plusieurs années et que cela n’avait pas répondu aux attentes des jeunes, note Mme Créant. L’idée du goudron n’était peut-être pas une idée très judicieuse ».
Partant de cette problématique, l’élue a donc décidé d’aller demander l’avis des principaux concernés. « Je suis donc allée rencontrer quelques jeunes sur le skatepark et ils m’ont confirmé ces doutes. Ils n’étaient pas très emballés par le projet initial et m’ont proposé d’autres solutions, explique-t-elle. Tout est parti de là ».
Dès lors, le collectif de jeunes skateurs a été pleinement impliqué dans le projet de rénovation du skatepark : « il y a eu plusieurs réunions, l’association nous a présenté un projet. Nous avons discuté et les jeunes m’ont proposé d’utiliser plutôt du ciment. Je leur ai demandé de me chiffrer leur idée, ils sont venus à la mairie 2-3 fois, nous avons regardé tout cela ensemble et avons préparé le projet ».
Particularité du projet, à l’instar des programmes fifty-fifty mis en place à Loos-en-Gohelle, les jeunes se sont proposés pour effectuer les travaux de rénovation du skatepark ! « La mairie a acheté le matériel et les services techniques l’ont livré sur le site. Nous les avons aussi accompagnés pour la sécurisation du site, nous décrit Nathalie Créant. L’association ensuite a géré la main d’œuvre sous forme de bénévolat. Cela a été une action participative, impliquant des jeunes qui voulaient rénover leur skatepark ».
« Aujourd’hui, le skatepark est un lieu de rencontre, les jeunes viennent, mais cela n’aurait pas été possible si nous n’avions pas échangé avec eux »
De nouvelles façons de faire pleines d’attraits
L’expérience a été un franc succès s’enthousiasme l’élue qui ne cache pas son envie de pouvoir renouveler de tel projet, bien qu’elle concède que le public était peut-être particulier car très motivé : « c’était des jeunes qui demandaient depuis plusieurs années que l’on renouvelle le skatepark. Ils en avaient vraiment envie, ils en rêvaient depuis des années. Nous leur avons tendu la main et ils l’ont prise ».
« Ils ont travaillé de 7h30 le matin à parfois 22-23h. Ils ont témoigné d’un engouement que je n’aurais même pas imaginé »
Impliquer les principaux intéressés par un projet a permis de parfaitement répondre à leurs attentes mais, aspect particulièrement important en ces temps de diète budgétaire pour toutes les collectivités, la concertation avec les jeunes a permis des économies ! En effet, le devis effectué en réponse au projet initial de goudronnage chiffrait un investissement de près de 30 000 euros. Or, les jeunes ont proposé un « projet qui s’élevait à 3 800 euros. Nous avons donc prévu une enveloppe de 5 000 euros au conseil municipal ». Une enveloppe à laquelle il faut rajouter la fabrication de garde-corps essentiels à la sécurité des usagers et assurée par une entreprise privée, mais pour un coût total bien inférieur à celui initial.
Aspect régulièrement mis en avant par les partisans de la démocratie participative, la concertation permet d’affiner les projets et d’ainsi optimiser l’action publique. Une position partagée par Nathalie Créant. « Nous, les élus, sommes les garants des deniers de la collectivité et je ne vois pas l’intérêt de faire des choses pour qu’elles ne servent pas, souligne-t-elle. Nous avons une grande responsabilité, nous votons un budget et il faut qu’il soit utilisé à bon escient ».
Bien souvent, médias, élus et citoyens concernés s’inquiètent du désintérêt croissant des jeunes pour la vie politique locale, leur tendre la main et les impliquer davantage dans les projets menés par les collectivités semblent alors une solution particulièrement pertinente. C’est ainsi que Nathalie Créant a souhaité tendre la main à ces jeunes qui se sont alors profondément impliqués dans le projet. Une façon de démontrer que, dans de nombreux territoires, beaucoup de jeunes sont désireux de s’impliquer mais qu’on ne leur en donne pas la possibilité.
« Ils sont fiers de ce qu’ils ont réalisé et ils peuvent, ils ont fait du très bon travail. Cela répond parfaitement à leurs attentes »
La réussite de l’expérience a également été rendue possible par l’intérêt suscité chez les autres élus, notamment chez le maire M. Hervé Seyve, et par leurs concours. « Le skatepark a été une belle expérience, cela a bien fonctionné mais je n’étais pas toute seule en tant qu’élue. D’autres m’ont suivi et le maire a soutenu cette action, souligne Nathalie Créant. C’est le fruit d’un échange en équipe, j’expliquais ce qu’il se passait, comment nous avancions, etc ».
Nouveau rôle de l’élu ?
Loin du cliché d’un(e) élu(e) déconnecté(e) et menant des projets dans une tour d’ivoire, cette initiative de co-construction de l’espace public a été permise par la volonté de Nathalie Créant de confronter le projet initial aux avis des jeunes qui auraient été immédiatement concernés. Une décision humble qui a vu ce projet en grande partie revu par le collectif de jeunes mais qui a dès lors parfaitement répondu à leurs attentes.
A lire aussi : “la participation citoyenne, l’avenir des territoires”
Si les pratiques de démocratie participative tendent à redéfinir le rôle des élus, doit-on voir ici aussi une pratique faisant évoluer le rôle de l’élu ? Pas vraiment selon Nathalie Créant pour qui tout dépend de sa conception personnelle du rôle de l’élu : « ce qu’il s’est passé, tendre la main aux jeunes, je ne voudrais pas dire que c’est banal mais c’est la façon dont je conçois la politique sur ma commune et mon rôle d’élue en charge de la jeunesse. C’est d’être dans l’empathie, à l’écoute de ses administrés ».
« Une politique jeunesse, vous ne pouvez pas la faire sans les principaux acteurs que sont les jeunes »
Concertation et co-construction de l’espace public ne vont donc pas nécessairement redéfinir les rôles de l’élu selon Nathalie Créant. Il va plutôt être ramené à ses rôles originels : « il faut être très présent sur le terrain, ça c’est une première chose. Être élu, ce n’est pas simplement être dans un bureau à la mairie, nous explique-t-elle. Il faut être disponible pour ses administrés. Il faut être à l’écoute de ce que l’on nous propose, réfléchir à comment on peut le faire ou expliquer pourquoi on ne peut pas le faire parce que l’on a des contraintes ».
Si évolution du rôle de l’élu il devait y avoir, elle serait plutôt à retrouver dans la fin du rôle de simple gestionnaire : « nous étions dans un rôle d’accompagnateur, de guide. C’est ça aussi d’être un élu sur une commune ! »