Le débat revient à chaque acte de vandalisme : mettre la vidéo surveillance dans une commune. Bonne ou mauvaise idée ?
C’est un débat qui revient souvent en conseil municipal : dès que des actes de vandalisme se répètent, la question de la mise en place de la vidéo surveillance dans une commune refait surface. Entre Big Brother et demande de protection des citoyens, quels sont les arbitrages à avoir ? Vidéo surveillance, bonne ou mauvaise idée ?
Vidéo surveillance : le point légal
Depuis la loi du 14 mars 2011 dite LOPPSI 2, toute installation d’un système de “vidéoprotection” – terme utilisé aujourd’hui par les autorités pour désigner la vidéo surveillance – doit être autorisée par la préfecture après un avis favorable d’une commission départementale présidée par un magistrat. Seules les autorités publiques (les mairies notamment) peuvent filmer la voie publique. Entreprises et établissements publics n’ont le droit que de filmer l’intérieur de leurs bâtiments ou les abords immédiats, les particuliers ne peuvent filmer que l’intérieur de leur propriété.
Quid des images ? La CNIL va effectuer un très strict contrôle sur les données récoltées. Elle dispose de pouvoirs lui permettant de contrôler les dispositifs de vidéoprotection afin de s’assurer qu’ils sont conformes aux obligations légales, de sa propre initiative ou à la demande de la commission départementale de vidéoprotection. La conservation des images ne doit pas excéder un mois.
Afin d’être conformes aux règles de respect de la vie privée, les caméras ne doivent pas permettre de visualiser l’intérieur des immeubles d’habitation ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
Seule une personne habilitée par l’autorisation préfectorale peut, uniquement dans le cadre de ses fonctions, visionner les images enregistrées. Elle doit avoir été particulièrement formée et sensibilisée aux règles de mise en œuvre d’un système de vidéo surveillance.
Pour ? Contre ?
Principal argument des partisans à la vidéosurveillance : l’aspect dissuasif. Face à des flambées de cambriolages, de vols, de voitures brûlées ou des incivilités, les citoyens réclament des solutions radicales et la réponse est souvent de multiplier les caméras de surveillance. La surveillance, ainsi permise, permettrait de limiter la présence policière dans l’espace public, mais aussi d’accélérer sa réactivité. En effet, les délits pourraient être rapidement repérés et des agents seraient rapidement sur place, le tout en surveillant les déplacements des suspects. La prévention et l’action des autorités seraient ainsi renforcées.
Autre argument, les images des caméras de vidéosurveillance permettraient d’aider l’avancée d’enquêtes ou l’identification de suspects. Christian Estrosi affirmait ainsi que, grâce aux caméras de vidéosurveillance, les enquêteurs ont pu savoir les faits et gestes de l’auteur de l’attentat de Nice. De même, la police de Berlin a dû faire appel aux vidéos amateurs lors de l’attentat du marché de Noël car la place du marché ne disposait d’aucune caméra.
Pourtant, des études menées au Royaume-Uni, où la vidéosurveillance est très répandue, permettent de repenser le sujet. Des citoyens favorables à ces dispositifs ont été entendus un an après l’installation de caméras. Les retours indiquaient clairement une faible satisfaction des habitants et un regard qui changeait sur l’efficacité des dispositifs. Pourquoi ?
Solution aux premiers abords rassurante pour bon nombre d’élus et de citoyens, la vidéo surveillance se heurte dans les faits à de nombreux écueils au premier rang desquels, implacable, se trouve son efficacité, ou plutôt son inefficacité – en l’occurrence…
Les études internationales s’accumulent pour briser le mythe de la vidéo surveillance comme solution miracle à l’insécurité. En milieux ouverts comme la rue, son efficacité serait quasi nulle : « le rôle préventif de la vidéosurveillance n’a été démontré que dans des lieux fermés comme les centres commerciaux [ndlr : lieux d’où les délinquants peuvent difficilement s’échapper]. En extérieur, elle ne fait que déplacer les lieux de la délinquance là où il n’y a pas de caméra », a ainsi expliqué Nathalie Charvy, élue d’opposition du groupe Nevers à gauche.
Citons en guise d’illustration la ville de Mazamet (25 000 habitants) dans le Tarn (82). Le dispositif de 17 caméras, plus une dizaine qui seront bientôt installées, est élaboré de façon à surveiller le centre-ville, « ici, à Mazamet, ce n’est pas de la grande délinquance. Mais les incivilités et les divers trafics détériorent la vie des concitoyens [… ] Plus que le terme de “sécurité”, je préfère le mot sérénité. Il est important que les gens n’aient pas peur de rentrer chez eux à la nuit tombante » explique le maire Olivier Fabre. Une petite délinquance et des trafics qui risquent de se déplacer dans d’autres zones, hors caméras…
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A Levallois-Perret, particulièrement surveillée par 50 caméras filmant en permanence plus de 90% de la ville, deux agents officient au PC de surveillance et ce, au cours de permanence de 9 heures. Difficile de garder le même niveau d’attention pendant 9 heures d’affilée… Les agents municipaux reconnaissent eux-mêmes que « quand on n’a pas l’œil, ce n’est pas évident ». Il n’est donc pas évident de repérer un fait précis parmi un flot permanent d’informations.
Autre écueil : la crainte de dérives. La référence à Big Brother est récurrente, beaucoup d’élus et de citoyens refusent de se sentir surveillés en permanence. L’usage des images ou des informations recueillies, inquiète considérablement. D’autant plus que, se voulant pourtant une réponse sécuritaire, cette vidéosurveillance ne ferait qu’exacerber ce climat d’insécurité. Ces fortes craintes ont régulièrement été entendues et des dispositifs de vidéosurveillance a posteriori, pour aider les enquêteurs, ont souvent été privilégiés.
Investissement lourd pour les collectivités
La question de la rentabilité d’un tel investissement pose donc régulièrement question : l’investissement est lourd mais le dispositif est-il réellement dissuasif ? Les critiques selon lesquelles « il n’y a personne derrière les caméras », que le dispositif est aisément contournable – il suffit d’une cagoule ou de se dissimuler le visage, que la qualité des images est régulièrement défaillante et qu’il arrive qu’il n’y ait aucune suite lors d’un vol de vélo ou de voiture malgré la présence de caméras de surveillance, laissent aux citoyens une impression d’inutilité. Ainsi, les chiffres du dispositif mis en place à Lyon sont fort peu reluisants : l’investissement de 2 millions d’euros n’a entraîné qu’une baisse de la délinquance de… 1 %.
Cette question budgétaire, d’un investissement lourd malgré une efficacité peu évidente, est l’autre gros écueil des dispositifs de vidéo surveillance. Salaires des opérateurs, achat et maintenance d’un matériel rapidement obsolète – compte tenu de la vitesse des progrès technologiques, la vidéo surveillance coûte cher.
Ainsi à Nice, malgré des investissements de plusieurs millions d’euros, un rapport de la Cour des Comptes estimait en 2011 que « la proportion des faits de délinquance élucidés grâce à la vidéosurveillance de la voie publique est relativement faible (…), environ 3 % de l’ensemble des faits élucidés ».
A Seurre (21), petit village de 2 500 habitants qui avait connu en 2014 quelques problèmes de sécurité, un système de vidéo surveillance avait été prévu pour un coût de 210 000 € HT. Alors que le conseil municipal prévoyait des économies de 250 000 € à réinjecter dans plusieurs autres projets importants comme la revitalisation du centre-bourg, la rénovation de l’école, etc, sans subventions de la préfecture, le projet a été mis sur la touche pour le moment. « Vous comprendrez que, sans subvention, ce n’est pas possible de réaliser ces travaux au risque de ne plus rien faire d’autre » explique ainsi le maire Alain Bacquet.
Quid de ces subventions ? Afin de mener à bien ces projets, les collectivités peuvent faire des demandes de subventions auprès des préfectures dans le cadre du FIPD, Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance. Ce fonds est notamment destiné au financement de la vidéoprotection.
D’autres solutions
La vidéo surveillance serait peut-être donc davantage une réponse médiatique et visible que réellement dissuasive. Coûteuse et pas aussi efficace que l’on pourrait l’imaginer, cette réponse laisse à désirer et ses détracteurs appellent à se servir de ces sommes autrement. D’autres pistes que la vidéo surveillance peuvent dès lors être étudiées.
Tout d’abord, il ne faut pas considérer la vidéosurveillance comme une solution miracle mais comme un outil à articuler avec les autres acteurs de la sécurité.
Ainsi, dans le Haut-Rhin, différents publics travaillent en partenariat constant. Les 229 caméras de vidéo surveillance présentes sur le territoire s’articulent avec les autres acteurs pour mener de nombreuses actions. Sont ainsi mobilisées forces de police et de gendarmerie, Justice, autorité administrative ou encore polices municipales. Extension de l’obligation des stages de sensibilisation à la sécurité routière à l’ensemble des infractions routières jugées par les tribunaux, stages de citoyenneté obligatoires pour les incivilités, renforcement de la présence policière, partenariats noués avec les acteurs du transport, nombreux contrôles… Cette articulation a obtenu des résultats très encourageants à Mulhouse l’année dernière : -40% de violences urbaines, – 43% de vols avec violence, -14% de délinquance générale !
Autre alternative, les médiateurs de rue. Compte tenu de l’effet dissuasif « difficile à évaluer » pour Bernard Lagrée, adjoint en charge des affaires générales et de la sécurité à Dinan, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer que ces investissements conséquents soient plutôt orientés vers de la prévention. Chargé de désamorcer les tensions, d’aller à la rencontre des jeunes, le médiateur de rue va officier comme un animateur afin de prévenir des comportements répréhensibles
Retour de la police de proximité ? Avec la situation médiatisée et particulièrement tendue dans certaines banlieues, beaucoup appellent de leurs vœux un retour d’une police de proximité, en grande partie supprimée et parée de beaucoup d’atours positifs. Un retour bien utopique compte tenu du désengagement de l’Etat et du recul de ses investissements – financiers, matériels et humains – depuis de nombreuses années….
Il est vrai que cette solution est tentante et nous sommes en train de regarder si cela a intérêt sur notre commune qui connait une montée des incivilités et de la petite délinquance. Mais nous travaillons aussi a la coupler avec une politique de prévention mieux organiséorganisée. Nous avons mis en place depuis qq mois un observatoire des incivilités avec un protocole d’alerte, nous regardons les différents outils existants (médiation sociale, réparation, rappel a la loi…et vidéo.. .) Pour voir lesquels seraient adaptés à notre collectivité mais le plus compliqué a sans doute été pour moi d’expliquer à mes collègues l’importance de la prévention